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Tout le printemps dut se passer à ce travail, et, au mois d’aoùt suivant, Théodore Aubanel à qui, des premiers, il avait également fait part de son dessein poétique, lui.écrivait : « Ta prochaine arrivée me remplit le cœur de joie... Ne manque point, je te prie, d’apporter ton intermezzo et surtout Hérodiade. Ah ! quel beau sujet, mon ami, et que tu es heureux d’y avoir songé ! Tu fais bien de donner trois actes à cette tragédie, ce n’est pas trop pour faire couler le sang et pâmer la beauté. Tu devrais ajouter à cela une partie lyrique : des chansons d’amour, des hymnes pieux et des chœurs farouches. En faire, enfin, quelque chose d’immense, d’éclatant et de fantaisiste comme les Noces de Cana de Véronèse, et de terrible comme un Ribéra. » (Lettre du 6 août 1865). Mais au moment où Aubanel attend Hérodiade, il y a déjà quelques semaines que Mallarmé l’a désertée pour se mettre d’enthousiasme à écrire le Faune. Revenu à Tournon apres les vacances, il renonce à écrire Hérodiade pour la scène. « Je commence Hérodiade, non plus tragédie, mais poëme... parce que j’y gagne ainsi toute l’attitude, les vêtements, le décor et l’ameublement, sans parler du mystère », écrit-il à -Gazalfe, en novembre 1865. Comme l’été lui était la saison propice à l’ensoleillement du Faune, l’hiver lui devient la saison propre à Hérodiade. Mais ce travail ne va pas sans difficultés. 11 souffre de violentes névralgies. « Aux minutes de répit », écrit-il à Cazalis, « je me jetais en maniaque désespéré sur une insaisissable Ouverture de mon poëme qui chante en moi, mais que je ne puis noter. » Pourtant il ne désespère pas, car au Jour de l’an 1866, il écrit à Mistral qu’il espère, durant cette année, lui offrir sans doute un des premiers exemplaires d’Hérodiade, « œuvre de mes nuits ravies ». En mars 1866, il dit à Cazalis : « J’ai écrit l’ouverture musicale ». Tout porte à croire que ce devait être cette Ouverture d’Hérodiade qui fut publiée posthumément. Tout l’hiver, dans le peu de loisir que lui laissent ses classes au lycée de Tournon, il s’acharne sur son poëme. En dépit de sa modestie foncière, il ne dissimule ni à ses amis, ni à lui-même, l’importance et le poids de sa tâche : « J’ai passé trois mois, acharné sur Hérodiade, ma lampe le sait ! J’ai écrit l’Ouverture musicale, presque encore à l’état d’ébauche, mais je puis dire sans présomption qu’elle sera d’un effet inouï et que la scène dramatique que tu connais n’est auprès de ces vers que ce qu’est une vulgaire image d’Épinal comparée à une toile de Léonard de Vinci. Il me faudra trois ou quatre hivers encore, pour achever cette œuvre, mais j’aurai enfin fait ce que je rêve être un poëme digne de Poe et que les siens ne surpasseront pas. » (Lettre à Henri Cazalis, mars 1866.) Un peu plus tard, c’est à Catulle Mendès qu’il déclare : « Quant à moi, je suis toujours à YOtiverture d’Hérodiade. Je la rêve si parfaite que je ne sais seulement si elle existera. J’en étais à une phrase