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strophe, je suis forcené comme l’homme qui voit réussir son vœu acharné. « La quatrième commence par une exclamation grotesque d’écolier délivré : « le ciel est mort ! » Et tout de suite, muni de cette admirable certitude, j’implore la Matière. Voilà bien la joie de l’impuissant. Las du mal qui me ronge je veux goûter au bonheur commun de la foule, et attendre la mort obscure... Je dis « je veux ». Mais l’ennemi est un spectre, le ciel mort revient et je l’entends qui chante dans les cloches bleues. Il passe indolent et vainqueur, sans se salir à cette brume et me transperce simplement. A quoi je m’écrie, plein d’orgueil et ne voyant pas là un juste châtiment à ma lâcheté, que j’ai une immense agonie. Je veux fuir encore, mais je sens mon tort et avoue que je suis hanté. Il fallait toute cette poignante révélation pour motiver le cri sincère et bizarre de la fin, l’azur. » ( H. Mondor, I ’ie de Mallarmé, p. 105.) Un peu antérieur, le Ms. Aubanel (coll. H. M.) présentait ces variantes : Str. 1, vers 4 : A travers le désert morbide des Douleurs. Str. 2, vers 4 : Jeter, linceul hideux, sur ce mépris navrant ? Str. 6, vers 2 : L’oubli de l’idéal rongeur et du Péché Str. 8, vers 2 : Dans les cloches. Orage, il se fait voix pour plus et 3 : Cruellement goûter sa victoire méchante, Str. 9, vers 1 : Il roule par la brume, indolent, et traverse Ma peureuse agonie ainsi qu’un glaive sûr, — Où fuir, dans ma révolte inutile et perverse ?... L’accueil fait à /’'Azur, parmi les poètes amis de Mallarmé, fut presque aussi chaleureux que celui qu’ils avaient fait aux Fenêtres. Armand Renaud, le futur auteur des Nuits persanes et qui était alors l’auteur des Poèmes de P Amour et des Caprices du Boudoir, lui écrivait, dès le 12 février 1864 : « Heureusement Cazalis m’a montré quelques-uns de ces vers que vous ne m’envoyez pas. L.' Azur m’a ravi. Cette âme qui fuit le bleu, qui a horreur de cette ironie splendide étalée sur les douleurs humaines, qui veut la brume, la brume épaisse en harmonie avec scs secrètes souffrances, qui croit être délivrée au sein du brouillard et qui voit reparaître dans le son des cloches l’implacable, l’inévitable azur, est une de ces idées pleines de poésie intense qui contiennent un monde de rêverie. C’est de la famille de Poe et de Baudelaire, mais avec plus de spiritualisme. » Un peu plus tard, le 7 avril 1864, Emmanuel des Essarts, de passage à Paris, écrivait à Mallarmé : « J’ai remis ton Az.ur à Colli-gnon que j’ai vu à deux reprises. » Toutefois ce poëme ne parut pas dans la Revue Nouvelle dont Albert Collignon était alors le directeur, car la revue cessa de paraître deux mois plus tard. Deux ans après, c’est dans la livraison du 12 mai 1866 du Parnasse Contemporain que ce poëme fut publié sous sa forme définitive, avec, comme variantes :