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P. 35. ANGOISSE (Tournon, février 1864.) C’est sous le titre : A une putain que l’on trouve de ce sonnet un manuscrit non daté, à la Bibliothèque Jacques Doucet et un autre texte presque identique dans le Manuscrit Aubanel. C’est sous ce titre que le connurent d’abord les amis de l’auteur. En [mars 1864J Henri Cazalis lui écrivait : « Si je n’avais prêté tes vers à Armand Renaud qui m’a supplié de les lui laisser quelque temps je t’en parlerais beaucoup aujourd’hui. Ils méritent une longue, très longue discussion et je la réserve pour ma prochaine lettre. Les vers à une putain sont, je crois, sans défaut : il y a un vers sublime : Toi qui sur le néant en sais plus que les morts ; il y en a peut-être d’autres, mais je ne me rappelle que celui-là. » C’est évidemment du même sonnet qu’Emmanuel des Essarts, le 3 mars [1864] disait à Mallarmé : « J’ai fort aimé tes derniers vers, le sonnet que tu m’envoies est splendide d’exécution, profond de pensée, d’une clarté parfaite, ce dont je te félicite. » Enfin, le 15 avril 1864, Eugène Lefébure lui écrivait : « Ce qui me frappe surtout dans vos vers éclatants et sombres, c’est une singulière puissance de concentration. 11 est probable que les causes en remontent très loin dans votre vie et qu’elles ont abouti comme corollaire au spleen qui fait votre force comme poète et votre douleur comme homme... Je pense surtout à votre sonnet à une putain, un vrai chef-d’œuvre qui contient un puits de douleur. » Ce sonnet devait sûrement être tout juste composé quand Mallarmé le communiqua à ces trois amis, et on peut, sans risque d’inexactitude, lui attribuer la date de février 1864. Il parut dans le Parnasse Contemporain (livraison du 12 mai 1866) sous le titre : « A celle qui est tranquille » (Ms. de la collection H. Mondor) visiblement imité de « A celle qui est trop gaie » de Baudelaire comme le devait être, dans une autre livraison du Parnasse Contemporain, le titre d’E. des Essarts : « A celle qui est trop loin ». Le sonnet de Mallarmé reparut, sous le même titre, vingt ans plus tard, dans la Rasoche de septembre 1885. Par la suite, en veine de « débaudclairiser » ses ouvrages, Mallarmé renonça à ce titre et lui substitua celui à'Angoisse, sous lequel ce sonnet figura dans l’édition des Poésies (Revue Indépendante, 1887) et dans les éditions suivantes. Il est à noter que dans le Parnasse Contemporain de 1866 figurait sous ce titre un sonnet de Verlaine qui, intitulé Y Angoisse, prit place, l’année suivante, dans le recueil des Poëmes Saturniens. C’est le poëme qui débute par : « Nature, rien de toi ne m’émeut, ni les champs... » Variantes du Manuscrit Aubanel (coll. H. M.)