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P. 30. APPARITION (Londres, 1863.) De tous les poëmes de Mallarmé, Apparition est probablement celui dont la fortune est devenue la plus populaire et dont l’origine et la date demeurent encore le plus obscures. Par son style, Apparition appartient, sans aucun doute possible, à la première période mallarméenne (1862-64) : un certain « préraphaélisme » de manière induirait assez naturellement à supposer que ce poëme date de l’époque du séjour que fit à Londres notre poëte (nov. 1862-nov. 1863). Durant cette première période de sa vie littéraire, Mallarmé, incertain encore de sa direction, se plaît à communiquer à ses amis des copies de ses vers et à s’assurer de leur opinion : pas toujours, au reste, pour la partager. Nous avons pu, ainsi, par les lettres du poëte ou celles de ses amis, recomposer la chronologie de ses divers ouvrages pour la période qui s’étend de 1861 à 1869 : pourtant, dans aucune de ces lettres, il n’est fait mention d’un poëme intitulé Apparition. Bien que cette pièce fût alors certainement écrite, Mallarmé ne la comprit pas au nombre de celles qu’il laissa publier, en t866, dans le Parnasse Contemporain. Ce n’est qu’en 1883, vingt ans au moins après qu’il l’eût composée, qu’il la confia à Paul Verlaine pour ses Poètes Maudits. Elle parut d’abord dans la revue Cut'ece (numéro du 24-30 novembre 1883) puis dans le recueil lui-meme en avril 1884. Elle fut ensuite reproduite dans le numéro du Ier novembre 1886 du Scapin, et lorsqu’en 1887 l’auteur la fit figurer dans l’édition de la Revue Indépendante, il la plaça dans le Ier Cahier, celui qui portait pour titre « Premiers Poëmes » entre le Gnignon et Placet futile, deux poèmes remontant, sous leur forme première, à 1862. Le caractère inhabituellement sentimental de ce poëme et l’époque présumée de sa composition pouvaient donner à penser qu’il eût étc écrit en 1862 par Mallarmé pour sa fiancée : ce qui eût peut-être expliqué le délai apporté par le poëte à révéler une pièce d’un caractère jugé trop « personnel » ; mais la correspondance d’Henri Cazalis et de Stéphane Mallarmé fait naître une différente et peut-être plus vraisemblable hypothèse. A l’époque où commence l’échange de lettres entre les deux jeunes gens de Paris à Sens, puis de Londres à Strasbourg, Henri Cazalis est fort épris d’une jeune fille anglaise à laquelle ses lettres devaient faire, pendant bien des années, de fréquentes allusions. Mallarmé, Emmanuel des Essarts, Henri Régnault se lièrent également avec cette jeune fille et sa famille. Henri Régnault fit un portrait d’elle au crayon; des Essarts un portrait en vers; Cazalis exprime le souhait que tous ses amis poètes rivalisent avec le peintre dans l’évocation de l’être qui lui tient si fort au cœur. Obligé de quitter Paris pour aller faire son droit à Strasbourg, Cazalis, en avril 1863, écrivait à Stéphane Mallarmé, alors à