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S’ils vont, il grimpe en croupe et se fait voyageur ; Puis, le torrent franchi, les plonge en une mare Et fait un fou crotté d’un superbe nageur ; Grâce à lui, si l’un chante en son buccin bigarre Des enfants nous tordront en un rire obstiné Qui, soufflant dans leurs mains, singeront sa fanfare ; Grâce à lui, s’ils s’en vont tenter un sein fané Avec des fleurs, partout l’impureté s’allume, Des limaces naîtront sur leur bouquet damné ; Et ce squelette nain, coiffé d’un feutre à plume Et botté, dont l’aisselle a pour poils de longs vers, Est pour eux l’infini de l'humaine amertume. Et si, rossés, ils ont provoqué le pervers, Leur rapière en grinçant suit le rayon de lune Qui neige en sa carcasse et qui passe à travers. Malheureux sans l’orgueil d’une austère infortune*, Dédaigneux de venger leurs os de coups de bec, Ils convoitent la haine et n’ont que la rancune. S'ils sont l'amusement des râcleurs de rebec, Des putains, des enfants, et de la vieille engeance Des loqueteux dansant quand le broc est à sec. Des poètes savants leur prêchent la vengeance, Et ne voyant leur mal et les sachant brisés**, Les disent impuissants et sans intelligence. « Ils peuvent, sans quêter quelques soupirs gueuses, « Comme un buffle se cabre aspirant la tempête « Savourer âprement leurs maux éternisés ! « Nous soûlerons d’encens les Forts qui tiennent télé « Aux fauves séraphins du mal ! — ces baladins « N’ont pas mis d’habit rouge et veulent qu’on s'arrête ! » Quand chacun a sur eux craché tous ses dédains. Nus, assoiffés de grand, et priant le tonnerre, Ces Hamlet abreuvés de malaises badins l'ont ridiculement se pendre au réverbère. Ce texte est identiquement celui qui parut, pp. 5-6 du numéro de janvier 1887 de la Revue Rose dont Georges Vanor était le secrétaire de la Rédaction.

  • Harcelés, sous l’orgueil... (dans un manuscrit de 1862, consulté chez M. P. Bérès.)
    • Et ne voyant leurs plaies... (id.)