déjà d’émotion, peut-être sera-t-elle aise de se reposer. Allons au pare, et, pendant que vous danserez au elair de la lune, Blanche dormira dans mon bosquet. » Vite les Fées bondissent aux pieds de la visiteuse et de leur Reine, les musiciennes sautant pour cela de leur branche; toutes s’assemblent sur le velours des gazons. Le bosquet léger de la Reine des Fées reposait sur les rameaux de trois grands arbres, poussant l’un près de l’autre et faisant se toucher leur frondaison gracieuse, mais sans rien masquer de la vue entière de la prairie. Deux grands cygnes s’avancent, et Blanche, à l’imitation de la Souveraine et sur son ordre, s’assoit sur le dos de l’un d’eux, qui l’emporte à la féerique demeure, plus enchanteresse mille fois que tout ce qu’avaient jamais peint à son imagination ses rêves les plus brillants. Sur sa eouehe voluptueuse étendue, un repos céleste l’envahit, tandis qu’elle regarde danser les belles Fées symétriquement au-dessous d’elle, dans leur costume radieux qui emprunte à une lune pure, régnant partout là-haut, l’éclat de l’argent. Elle entend les aeeords délieieux de la musique, s’échappant des arbres environnants où s’étaient de nouveau retirées les jolies concertantes. Puis, eomme l’air embaumé et chargé de paix expire sur ses paupières, elle se sent pénétrer dans l’Élysée et bientôt emportée dans la Terre du Sommeil. Le matin, elle s’éveille de bonne heure au gai cliquetis des voix, qui semblent l’envelopper, par dessus, au-dessous et alentour, tout s’unissant eomme pour chanter un chant de bonheur. Des oiseaux au plumage lumineux voltigent d’arbre en arbre, gazouillant leur hymne content; et des Fées partout éparses se joignent irrésistiblement au joyeux unisson. Blanche, cl’instinct, éleva aussi la voix, ne pouvant réprimer la légèreté cl’un cœur tout aise, qui s'affranchissait, en ee moment, des soucis et des peines, bondissant d’indomptable cléliee; elle chanta comme elle n’avait jamais chanté auparavant, s’efforçant de communiquer à sa voix la béatitude qui venait de naître en elle. La Reine des Fées est aussitôt à ses côtés et l’invite à se promener dans les beaux parterres, avant déjeuner; les eygnes sont à leurs ordres, pour les descendre. Blanche accepte avee plaisir : elles atteignent vite le sol, et commencent leur tour. Le chemin était jonché de fleurs : de roses d’abord, puis de myosotis, de pensées, de violettes et de bien d’autres. La petite Princesse marehait aussi légèrement que si e’eût été une Fée, sans écraser une fleurette; et les voici qui entrent dans le sentier des Lys de la Vallée, lequel conduit à une grotte fraîche, où se joue une source d’argent, reflétant
Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1330
Cette page n’a pas encore été corrigée