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cesse, lui prenant la main avec un tendre respect et à peine capable de contenir sa joie, « dites-moi, dites qui vous êtes, car je suis sûre que vous êtes une Fée, et je souhaite tant que vous veniez au Pays des Fées avec moi! » — « Vous saurez un jour qui je suis », répondit en riant la vieille, « et me verrez dans le Pays des Fées, quoiqu’alors il vous sera difficile de me reconnaître. Mais maintenant allez, dépêchez-vous. Que la Reine des Fées n’attende point. » La maison royale apprit cette nouvelle et s’assembla pour assister au départ de la Princesse. Comme ils demeuraient dans l’attente, sans respirer et considérant du seuil tout l’horizon, le battement de vastes ailes se fit entendre au-dessus de leurs têtes, et ils virent descendre le char féerique, porté par scs cygnes. La Reine Bonté, parée magnifiquement comme la première fois, éblouit tous les yeux par la splendeur de son appareil. Mettant le pied hors du char, elle prit Blanche dans ses bras et l’embrassa; puis, se tournant vers le Roi et la Reine, promit de ne pas garder leur fille trop longtemps, et de la leur rendre fortifiée dans ses bonnes résolutions, et plus intimement engagée dans cette vie toute de bien qu’elle avait commencée. A ces paroles et s’inclinant en signe d’adieu, elle remonta dans son char, ordonnant à la Princesse de s’asseoir à côté d’elle. Alors les cygnes étendirent les ailes orgueilleusement et prirent un haut essor. Pendant que tout le monde était à attendre anxieusement l’arrivée de la Reine des Fées, la disparition de la vieille aveugle avait eu lieu, sans que nul n’y prît garde : mais c’est immédiatement après le départ de Blanche que les habitants du Palais découvrirent, à leur grand chagrin et non sans quelque effroi, qu’elle aussi était partie... On ne savait où ni quand, mais chacun regretta la perte de la bonne vieille dame. Rapidement emportée dans les airs, Blanche frémissait de plaisir à cette sensation délicieuse, et elle se posa entre les coussins, dans un état de rêveuse félicité. Tout droit, filaient les fiers oiseaux vers une magnifique étoile, qui était le royaume de la Reine des Fées. Là, l’air sembla changer, devenir élastique et tout chargé d’espoir, comme une atmosphère de ciel, par en bas et de partout baignant dans la gloire d’or d’un soleil qui brille comme le nôtre, mais sans son pouvoir de brûler ou de dessécher; ressemblant plus dans son calme à la lune, et répandant sur le firmament une lueur vraiment céleste. Line quiétude parfaite envahit Blanche, quand elle entra dans la région enchantée et huma l’air embaumé; elle sentit qu’elle avait laissé derrière elle toutes les luttes, les responsabilités, l’effort, et qu’elle entrait dans le port du repos. Bonté était presque fâchée de troubler cette extase, mais lui dit enfin : « Regarde,