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que le champion de la Fée Justice est tombé victime du vil coup de feu d’un Géant. Votre grande Fée, Bonté, a, par votre entremise, pris soin de mon salut, et les bonnes Fées nous défendront toujours, rendant vainc la malice des méchants, si nous suivons les ordres de ces protectrices. » Le Roi fut interrompu là, par l’approche de son escorte suivant la trace de Magique, son coursier tout fier de montrer le chemin. C’était un magnifique cheval de bataille noir que Magique ; et si transporté de plaisir à la vue de son maître sauf, qu’il abîma sa robe luisante contre les arbres, en se livrant aux ébats de sa joie. Après avoir brièvement raconté l’aventure à sa cour inquiète, le Roi accompagna la Princesse à la recherche de la suite et des frères de la jeune fille; qui, absorbés par leur pêche, semblaient l’avoir oubliée. Grande fut leur surprise, non moins que leur contentement, de savoir qu’elle avait recouvré la vue; et ils furent vite amis avec le Roi, qu’ils regardèrent comme un héros de roman, son histoire une fois entendue. Ils revinrent tous au Palais, où l’escorte du Roi les avait précédés, afin d’annoncer sa visite aux parents de Blanche. Celui-ci fut reçu avec tous les honneurs dus à un potentat voisin, renommé déjà pour la sagesse de sa conduite. On servit un repas somptueux qui réunit fort joyeuse compagnie, car c’était un jour important pour les deux royaumes : il avait vu sauve la vie du roi Beaujeu et l’éclat de ses yeux rendu à la princesse Blanche. Quand vint enfin l’heure de se séparer, la famille royale regretta que le jeune souverain dût la quitter si tôt, et insista pour qu’il lui fît bientôt une visite plus prolongée. — «J’en serai ravi », dit-il, « quoique (il ajouta ceci en riant) ma vie soit en plus grand danger quand j’approche de Terre-Libre, dont mes ennemis les Géants ont fait leur refuge. Mais je me confierai aux Fées! » Et, montant son superbe cheval, il leur fit à tous un adieu cordial. Blanche se rendit alors dans sa chambre, toute pleine de l’étonnement et de la joie de ce qui venait d’arriver; et à peine eut-elle fermé la porte, qu’elle entendit la vieille frapper doucement. Ouvrant immédiatement et embrassant son amie, elle l’informa de tout ce qui avait eu lieu, puis, en la remerciant pour tant de bonté, se prit à regretter une fois de plus sa conduite du premier jour. — « Tout cela est pardonné et oublie », répondit la vieille dame. « Vous l’avez tout à fait effacé de ma mémoire par votre repentir sincère et votre heureux changement. Vous avez bien gagné votre récompense, qui ne se fera pas attendre. Allez demander à vos parents si vous pouvez rendre visite au Pays des Fées; et, dans une demi-heure, la Fée Bonté sera sur son char aux grilles du Palais, prête à vous y conduire. » — « Mais, chère dame! » s’exclama la Prin-