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ce qui l'empêcha de se joindre à la compagnie : aussi s’estimait-elle fort malheureuse d’être la seule qu’on laissât au logis. La mignonne, dans sa détresse, lit appel à sa sœur, lui demandant de rester avec elle; mais Blanche était trop avide de prendre part à un plaisir, pour céder à sa demande. — Ce serait une si joyeuse journée, avec ce temps si beau, les garçons d’un tel entrain! Quelle misère, de rester à la maison, avec cette enfant malade! Et, essayant de calmer sa petite sœur, elle partit avec les autres. Peu d’instants après qu’on fut descendu de voiture, un gros insecte d’aspect brillant bourdonna au-dessus des têtes, jetant les jeunes princes dans un grand état d’animation; et, tandis qu’il fonçait droit sur eux comme un trait, René lâcha la main de Blanche, dans l’ardeur de sa poursuite. Guidée par les voix, elle courut aussi, mais son pied glissa et elle tomba dans la rivière, que le reste des enfants était en train de passer sur un pont; d’un faux pas elle l’avait manqué... Vite on vint à son secours, mais le bienfaisant mouchoir s’en était allé, perdu dans les eaux. Une violente brûlure lui revint aux yeux; et elle fut obligée de quitter la bande joyeuse, pour retourner au Palais. On envoya aussitôt chercher la vieille, qui se rendit dans la chambre de la Princesse. « Comment cela se fait-il, mon enfant ? » demanda-t-elle. « Oh! chère bonne Fée, — car je suis sûre que vous êtes une Fée, — de grâce, ayez encore pitié de moi, et je congédierai la Fée Égoïste. C’est elle aujourd’hui qui a causé mon infortune : car, si j’avais écouté les supplications de ma petite sœ ur, si j’avaisp cnoncé à mon propre plaisir pour le sien, la souffrance d’à présent me serait épargnée. — « Consolez-vous, enfant : le terme de votre épreuve est presque venu. Vous serez bientôt guérie. Couchez-vous, et je vous mettrai sur les yeux de la lotion calmante, puis verrai à cous faire rentrer en possession de votre talisman. » Aussitôt que la Princesse fut un peu soulagée, la vieille chercha le prince René, lui demanda s’il voulait entreprendre de ressaisir le mouchoir de sa sœur. « Cela demandera du courage et de la persévérance », dit-elle; « mais vous êtes noblement doué, je vous ai donc choisi pour cette tâche. » Le jeune Prince, quoique frêle et d’une structure délicate, avait le cœur brave autant que bon; les souffrances de sa sœur le peinaient sincèrement, causées (il le sentait) entre autres choses par sa négligence : il n’était que trop aise de servir à lui procurer quelque soulagement. — « Habillez-vous alors de ce costume », dit la vieille, lui en présentant un de la nuance la plus belle et d’un tissu particulier. « 11 faut plonger dans la mer où. en suivant vos instincts secrets de bonté, vous trouverez un guide,