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l’invoque comme auxiliaire de son effort) que la traduction française des noms grecs ou latins est propre au génie même de la langue française : si je puis, principalement, inférer quelque chose de ce fait que notre langue est presque seule à user du privilège de traduire ces noms. Mauvais génie peut-être, à de certains moments, mais bienfaisant et habile à d’autres : car combien de noms charmants nous gagnons, dont plusieurs sont maintenant inhérents à la langue presque usuelle au point qu’il ne serait pas licite de les annuler sans qu’ils y fissent quelque vide regrettable! Oui, c’est parce que ceux-là sont des mots fréquemment proférés et bientôt intimes, que le Français se les est savamment adjoints : à d’autres, très nombreux, mais qui sont d’un usage très rare, est conservé leur caractère étranger avec cette séduction presque barbare que prennent les appellations de dieux ou de héros rendues à l’idiome originel. Ne renonçons à aucun de ces deux bonheurs échus à notre langue; en un mot OBSERVATION GÉNÉRALE : Les noms des mythes plus célèbres par la noblesse ou la beauté, notre langue se les est appropriés afin d'enrichir, par une fréquente invocation, nos impressions quotidiennes : gardons-les tels. Quant aux autres, ils demeurent avec leurs sons quelquefois intacts, groupe nécessaire qui conserve le lointain des parlers exotiques; exemple : Phoïbos. Le plus souvent, je les francise d’après le génie même de notre langue, c’est-à-dire en suivant le travail de métamorphose à peine perceptible qu’elle a imposé depuis longtemps à des noms analogues. Théseus, Prométheus, etc. Thésée, Prométhée ? Bien : j’ai Odyssée, fait avec Odysseus, mais je dois m’arrêter, et ne vais point jusqu’à gens, fée. Pourquoi ? parce qu’à de certains moments la logique la plus stricte le cède devant la crainte de dérouter l’ouïe; dans vingt ans, peut-être, on osera. La réunion de ces deux classes de vocables, exactement comprise, forme dans le discours un heureux mélange : et non plus un disparate! Mais la confusion, où est-elle ? car nous avons, au début, lancé contre la transcription usuelle cette accusation. La voici. Tous les noms propres traduits en Français, excepté Aphrodite* et d’autres qui forment un cortège insuffisant à cette déité, ont été, même venant, comme ce mot, du Grec, traduits par l’intermédiaire du Latin. Quand le mot original est latin, c’est à merveille que le Latin se francise; et je déclare que, dans ma langue, j’oublie à tout jamais Mer-curius et ne connais que Mercure; j’ajoute même que,

  • Au lieu d’Aphrodité.