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dessein. Pourquoi ? Parce qu’Hélios ou le soleil ne peut se détourner de la marche qui lui est assignée, que ce soit dans son cours diurne ou nocturne. Les premiers dangers rencontrés par Odyssée à son retour à Ithaque naquirent d’un conflit avec un peuple appelé les Cicones, qui détruisit à sa flotte six hommes par vaisseau. Le navigateur aborda ensuite à la terre des Lotophages, qui passaient leur vie dans un songe délicieux, mangeant le fruit du lotus, lequel fait oublier la patrie à ceux qui en goûtent. Odyssée dut là attacher quelques-uns de ses hommes qui désobéirent à son avertissement de ne pas toucher au fruit, puis les tirer avec les cordes jusqu’à leurs vaisseaux. Une terrible tempête porta ensuite la flotte au pays des Cyclopcs, géants n’ayant qu’un œil au milieu du front. Avec plusieurs de scs compagnons, Odyssée franchit le seuil d’une caverne où étaient accumulées d’amples provisions de fromage et de lait : mais avant qu’ils pussent s’échapper, le cyclope Polyphème, fils de Poséidon, entra, et ferma l’issue avec un grand rocher qu’eux ne savaient mouvoir. Le feu qu’y alluma ce personnage éclaira la forme d’Odyssée et de ses hommes, et Polyphème en fit cuire et en dévora deux. Odyssée, à qui Polyphème demanda son nom, répondit : Outis, en grec Personne. Lors donc que les autres Cyclopes vinrent demander à Polyphème pourquoi il rugissait si fort, il leur hurla qu’on lui faisait du mal; et qui lui faisait ce mal? « Personne ». Croyant qu’il n’y avait rien, ils s’en allèrent en leurs demeures. L’aventure suivante n’est pas moins intéressante. Ayant échappé avec difficulté aux Trygoniens cannibales, le héros vint à Aïa, où la belle Circé changea nombre de ses hommes en porcs, mais se vit forcée par Odyssée de leur restituer leur forme première, celui-ci ayant reçu d’Hermès une herbe qui rendait sans puissance les charmes de la magicienne. Les dangers ne cessent point là. Circé avertit le héros du péril plus grand des Sirènes, qui, assises dans leurs grottes vertes et fraîches, persuadaient aux marins de passage de venir se reposer et d’oublier tout labeur et leurs peines. Ceux qui cédaient au sortilège contenu dans la douce musique de ces nymphes, voyaient leurs vaisseaux lancés et mis en pièces contre les rochers. Odyssée, en conséquence, boucha les oreilles de ses matelots avec de la cire : comme il désirait entendre, lui, le chant des charmercsses, il se fit attacher étroitement au mât, et, de la sorte, conjura le péril. Toutefois il eut à lutter ferme pour sa liberté, quand l’écho de la berçante musique monta doucement dans l’air chaud et privé de souffle. Perte, après cela, de beaucoup d’hommes, dévorés par les deux monstres Scylla et Charybde,