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Achéens, est un rejeton de Brisaya, vaincue par les puissances brillantes, clans le Vécla, avant d’avoir pu recouvrer les trésors volés par Pani. Remarquons particulièrement dans ce Conte de la guerre de Troie, la fusion d’idées très différentes. Car, en tant que dérobant Hélène à Sparte occidentale, ou aidant à ce vol, Pàris et tous les Troycns représentent le pouvoir ténébreux de la Nuit qui dérobe le beau crépuscule au ciel de l’Ouest. Mais dans la vie de beaucoup d’entre les chefs troyens, comme dans celle de Pâris lui-même, se trouve une répétition de la vie de Méléagre, de Sigurd, et d’autres héros solaires. Voici dans quel rapport se tiennent ces chefs, les uns vis-à-vis des autres. Rappelez-vous que comme Héraclès se voit forcé de servir Eurysthée et Persée, d’exécuter les ordres de Polydecte, de même Achille déclare qu’il ne se bat pas pour une querelle personnelle, mais que toutes les dépouilles conquises par sa lance sont à Aga-memnon et à ses alliés. Ainsi que Phoibos, Persée, Thésée et d'autres, ce héros a une lance infaillible, et son épée tue tous ceux sur qui elle s’abat. 11 aime Briséis, mais bientôt il est séparé d’elle, comme Sigurd l'est de Brunehilde. Le vœu d’Achille quand on lui prend Briséis est frappant! le guerrier jure de ne pas aider plus longtemps les Achéens : en d’autres mots, le soleil se voile la face derrière les nuages. On ne voit plus de rayons d’or quand le visage du soleil est voilé : et les Myrmidons ne paraissent plus sur le champ de bataille quand leur chef pend sa lance et son bouclier dans sa tente. Pourquoi les Myrmidons sont-ils comparés à des loups ? détail curieux : pour ce même motif qui suggéra l’idée que Lycaon et ses fds furent changés en loups. Le mot grec lukoï, loups, est le même, quant au son, que leukoï, brillants : et comme on traitait de « leukoï » les rayons du soleil, les Myrmidons, qui sont simplement les rayons du soleil, ont été, lorsque le sens de cette qualification s’oblitéra partiellement, comparés à des loups aux yeux luisants et aux mâchoires rouges comme le sang. Patrocle, lui, apparaît comme un faible reflet de la splendeur d’Achille; et il est, vis-à-vis de lui, ce qu’est, précisément, Phaéthon à Hélios, ou Télémaque à Odyssée (ou Ulysse). Une analogie nous le montre : Phaéthon ne doit pas fouetter les chevaux du soleil, ainsi Patrocle ne doit pas conduire les chevaux d’Achille dans un chemin différent de celui qui lui a été indiqué. Tous deux désobéissent, et ils périssent tous deux. La lutte qui suit la mort de Patrocle représente visiblement le combat que les nuages se livrent au-dessus du soleil, dont ils ont, pendant un moment, éteint la clarté. Et cette vengeance d’Achille, n’y voyez-vous pas la victoire du soleil, quand, à la fin d’un jour d’orage, il émerge des