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Grecs, cette idée de la brise remplaça graduellement l’idée du matin, et c’est ainsi qu’Hermès vint à représenter le vent ou l’air en mouvement. Ne voyez-vous pas que cela explique l’histoire d’Hermès jusque dans ses moindres traits ? Le vent, qui chuchote doucement lors de ses premiers commencements, peut fraîchir en brise de mer, avant d’être âgé d’une heure, et balayer devant lui les nuages gros d’une pluie qui renouvellera la terre. Il fouille, invisible, dans les trous et les fissures, il tournoie dans les coins obscurs, il plonge dans les antres et les cavernes ; et quand les gens sortent pour voir quels méfaits il a commis, ils entendent son rire moqueur, alors il se hâte par voies et par chemins. L’esprit et l’humour de ce conte sont fort anciens : il se trouva, si l’on veut, tout fait entre les mains des poètes grecs (mais on peut en dire autant de tout ce que l’homme a jamais inventé). -Nous découvrons simplement ce qui existe : encore faut-il chercher patiemment et sincèrement. Or le charme du conte d’Hermès ressort de l’examen, fait avec soin par les poètes, de l’action variable du vent. Quelqu’un, dans la légende antique, mérite également qu’on dise de lui qu’il a, le premier, donné le feu aux hommes, Prométhée, et aussi Phoronée (mais Phoronée, le Bhuranyu indien, n’est qu’un simple nom du feu). Quant à l’histoire de Prométhée, elle se rapporte à la flamme apportée du ciel, tandis que le feu allumé par Hermès est l’ignition produite dans les forêts par le frottement, au grand vent, de leurs branches. Etudions chacun des détails fournis par le récit fait plus haut : tous sont de quelque intérêt. Ainsi Hermès ne mangea pas de la viande rôtie par le vent qu’il avait allumé, parce que, quoique le vent produise la flamme, il ne peut, lui-même, consumer ce que dévore le feu. Le retour d’Hermès à la caverne où il est né n’est autre chose que l’apaisement de l’orage, avant qu’il s’endorme enfin dans les bruits charmants. Il faut voir en la défense que Hermès présente à Zeus de sa cause, ce semblant d’abandon montré par la douce brise, incapable de se faire ouragan. Le bruit fait par Hermès, quand Apollon le saisit entre scs bras, expliquez-lc par la mélodie des vents, capable d’éveiller des sentiments de joie ou de tristesse, de regret ou de désir, de crainte ou d’espoir, d’aise véhémente ou de suprême désespoir. Si Phoibos refuse de faire part de sa. sagesse à Hermès, c’est que les rayons du soleil peuvent descendre au-dessous de la surface de la ruer et de là darder leur éclat à travers le pur espace du ciel, lieu où l’haleine du vent ne peut se faire sentir. Phoibos confie à Hermès en retour de sa lyre certains pouvoirs : il le fait gardien des coursiers du soleil; l’enfant reçoit aussi une verge pour les conduire. Les nuages brillants