Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1231

Cette page n’a pas encore été corrigée

nouveau-né de rester amis : et le dieu souverain inclina la tête. A ce signe Hermès n’osa désobéir ; mais courant vers les bords de l’Alphée, il ramena le bétail du clos oii il l’avait parqué. I,a querelle 11e finit pas là, non. Phoïbos vit le lieu 011 avait été allumé le feu, et les peaux et les os des bêtes mises à mort; s’émerveillant qu'un bambin pût écorcher des vaches entières, il saisit de nouveau celui-ci, et le lia de bandelettes de saule, que l’enfant brisa autour de son corps comme du chanvre. Hermès, dans sa terreur, pensa à sa lyre d’écaille, et en fit jaillir une musique si suave et pleine de paix, qu'Apollon, oubliant sa colère, le supplia de lui enseigner cet art prodigieux. Hermès y consentit, lui qui aussi enviait la sagesse et le savoir cachés d’Apollon, car Phoïbos voit tout jusqu'aux abîmes les plus profonds de la verte mer : il promit de donner la lyre, en retour de cette sagesse qui peut suavement discourir de toutes choses et bannir tout mal et tout souci. « Prenez la lyre, dit-il, car vous saurez vous en servir; mais à ceux qui y touchent sans savoir en tirer le langage qui convient, elle est capable de faire débiter d'étranges non-sens, divaguant alors ou n’exhalant que des gémissements incertains. >> Cet échange ne se fit qu’en partie. Il n’était pas au pouvoir de Phoïbos de révéler le secret célé des ans, mais tout ce qu’il put donner à Hermès, il le donna. Il lui mit dans les mains une verge étincelante; et. lui attribuant la haute charge de garder les troupeaux et le grand bétail, ordonna qu’il visitât, dans leurs vallons cachés et dans leurs cavernes, les Thriaï aux têtes chenues, qui lui enseigneraient des secrets soustraits à tous les mortels. Hermès, en retour, promit de ne jamais endommager le temple de Phoïbos à Delphes. Comment expliquer cette étrange histoire ! Voici : nous trouvons, la comparant à de vieux contes hindous ou védiques, que le nom d’Hermès appartient à la même racine que celui de Saramâ, et que celui de Saramâ est l’aurore lorsqu’elle rampe par le ciel, regardant partout avec curiosité si elle ne voit pas les vaches brillantes (ou nuages), volées par la nuit et par elle cachées dans ses cavernes secrètes. Ce nom de Saramâ se retrouve enfin sous une autre forme : il est prouvé que c’est le meme nom qu’Hélène, ravie par Paris de Sparte. Le mot vient de la racine sar, qui veut dire ramper, et reparaît dans les noms d'Erinys (la Saranyu védique) et de Sarpédon, fils de Zeus, ainsi que dans notre mot « serpent », ce qui rampe. Maintenant comment l’idée de Saramâ, ou P Aurore, nous conduit-elle à celle du Hermès grec ? Dans les hymnes. Saramâ, cherchant les vaches, traverse, dit-on, le ciel avec une brise légère. Elle représente le matin et la douce haleine des vents d'été, chuchotant çà et là. tandis qu'elle se meut, puis avance. Dans l’esprit des