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Mais élargissons le cercle ici tout spécial de nos comparaisons. Les Niflungs ou Nibelungs, ee sont des habitants de Niflheim, la terre ou le site des brumes froides : en d’autres termes, ils répondent à Phrixos et à Hellé, les enfants de Néphélie, la brume, qui s’en alla avec le trésor de la toison d’or tout comme les Niflungs emportent les trésors de l’été. On vénérait Odin : ee dieu répond au Zeus grec et s’appelle l’Alfadir (l’anglais dirait father of ail, père de tous). Sa femme s’appelle Freya ou Friga, et elle est la mère de Thor et de Baldr. Thor, avec son puissant marteau, en tant que Thor Miôlnir, le batteur et le broyeur, est parallèle aux Alvada grecques et aux Maruts indiens. Une légende s’offre à nous, reconnaissable : Baldr était le plus beau de tous les habitants du Valhalla; mais, quoique tous les autres dieux eussent juré de 11e pas lui faire de mal, Loki, lequel n’avait fait aucun serment, « le détruisit à l’aide du gui ». Ce fait répond au meurtre d’Isfendigar tué par une épine et d’Adonis tué par la défense du sanglier. Quant à Loki, déité malveillante, on le dépeint comme le grand serpent qui entoure le monde, père d’IIéla, la reine des régions situées sous la terre. Après les grands dieux, leur séjour : le Valhalla, demeure avant tout d’Odin; eomme Zeus, l’Olympe, il l’habite avec tous les Aésir ou dieux. C’est là que parviennent les âmes des héros mourant sur le champ de bataille, guidées par les belles Valkyries, ou celles qui choisissent les corps des morts : je vois en elles, sous une forme plus haute et plus pure, les houris du paradis mahométan. Les Nornes enfin, trois sœurs, correspondent aux Fates des Latins ou Moires des Grecs : leurs noms sont Urd, Werdand et Skuld (ou Passé, Présent, Futur). Se les représenter comme des êtres doués d’une sombre et touchante beauté. Tous, vous avez entendu parler du Crépuscule des Dieux, que célèbre aujourd’hui encore le théâtre musical allemand. Ces mots ont été employés pour désigner le temps où, comme on le supposait, le règne d’Odin et des Aésir devait toucher à sa fin. Semblable notion a-t-elle pu se faire jour, si Odin passait pour le Grand Créateur de toutes choses ! Peut-être qu’ineonsciemment le nom d’Odin fut employé dans plus d’un sens. Ainsi Eschyle parle de Zeus comme du dieu infini et éternel, dont le royaume ne peut avoir de fin; mais qu’il vienne à nommer le Zeus mythique, fils de Cronos et mari d’Héré, il dit que ee Zeus détrôna son père et sera lui-même dépossédé par un descendant de Prométhée, son ami, à qui il a si gravement fait tort. Héraclès renversant Zeus répond exactement au Crépuscule des dieux norses.