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sur- là, mais dont l’orthographe même se modifia, avec le temps, au point de rendre malaisée une comparaison entre leur double forme contemporaine, ici et là. Tel, se trouve, en deux Chapitres fondamentaux : Lois de Permutation et Vœux Mots, divisé le présent Livre, traitant de l’immixtion en l’Anglais contemporain de plusieurs milliers de nos vocables apportés par les Normands, l’année de la Conquête. Je crois, non moins que le Lecteur, nécessaire d’élucider un point grave : où s’appuie presque tout l’effort poursuivi maintenant, et l’un des plus neufs que contienne la présente Philologie. Un doute doit venir à l’esprit de quiconque réfléchit : il a trait à l’anachronisme que semble impliquer une comparaison faite entre la portion française de l’Anglais actuel, qui n’y a été introduite qu’en tant que vieux Français à ses commencements, d’une part; et, d’autre part, le Français moderne. Ces deux termes de la relation à établir ne sont-ils point disparates ? cas grave puisque l’on ne lui demande rien moins que de vous fournir des Lois : mais n’anticipons pas. Avant de rien répondre, il sied de noter ce fait, entrevu précédemment : que, tout primitif, le Langage d’Oil, prenant racine en terre saxonne, se trouvait alors dans un état de formation cependant assez avancé pour ne point différer du tout au tout avec ce qu’il est aujourd’hui; il portait en soi ses développements futurs. Même c’est immédiatement (très peu de temps, du moins) après sa transplantation, qu’il changea parfois le plus profondément. Rappelez-vous certains textes cités plus haut et comment maint vocable, dans la prose anglaise du temps, s’éloigne plus de la langue française d’alors que ce n’est le cas, maintenant, après des siècles. Magistrale et savante, en effet, vint la période dominée par Chaucer; où tant à l’aide d’une annotation exacte des métamorphoses subies là-bas que par la confrontation évidente de celles-ci à ce qu’était restée ou devenue chez nous l’orthographe, les écrivains remirent en bon chemin les mots tout à fait dévoyés. Que s’est-il passé depuis lors ? Aux rapports quotidiens, causés par la guerre de Cent Ans d’abord et ensuite par des relations pacifiques jusqu’à la Renaissance; aux cours, à la splendeur de nos Lettres, vers l’âge moderne, on doit attribuer l’espèce de simultanéité qui marque les changements légers subis par le rameau de notre langue détaché en Angleterre et le tronc vivace resté ici. Oui et je n’hésite pas à croire qu’il y a plus : le commerce, amical ou hostile, entre les deux nations, n’a servi que de moyen pour faire concorder, dans leur trans-