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VII

Lois relatives au mariage

Dans un précédent chapitre nous avons abordé implicitement la question du mariage qu’il importe de bien approfondir si l’on veut se faire une idée exacte de ce que la loi signifie aux yeux de l’indigène. Le mariage n’établit pas seulement un lien entre mari et femme, mais il crée un rapport de réciprocité permanente entre le mari et la famille, et plus particulièrement le frère de la femme. Entre une femme et son frère existe un lien de parenté très caractéristique et d’une très grande importance. Dans une famille trobriandaise la femme reste toujours sous la garde spéciale d’un seul homme qui est un de ses frères ou, à défaut de frères, son parent maternel le plus proche. Elle doit lui obéir et s’acquitter envers lui d’un certain nombre de devoirs, tandis que lui doit veiller à son bien-être et assurer sa vie économique, même après son mariage.

Le frère devient le tuteur naturel des enfants de sa sœur, et c’est lui, et non leur père, qui représente à leurs yeux le chef légal de la famille. Lui, de son côté, doit veiller sur eux et fournir au ménage une proportion considérable de sa nourriture. C’est la charge la plus pénible, puisque, le mariage étant patrilocal, la jeune femme s’en va habiter la communauté de son mari, ce qui provoque, au moment de chaque moisson, un chassé-croisé économique à travers tout le district.

La récolte faite, on classe les yams, et le produit de la récolte de chaque jardin est disposé en tas coniques. Le principal tas de chaque lot de jardin est toujours destiné au ménage de la sœur. L’habileté et le travail dont on fait preuve dans cet étalage de nourriture ont pour seul but de satisfaire l’ambition du jardinier. Toute la communauté, voire tout le district, vient inspecter les produits du jardin, les commenter, les critiquer ou les louer. Un beau tas signifie, aux dires de mon informateur : « Voyez ce que j’ai fait pour ma sœur et sa famille ; je suis un bon jardinier, et ma sœur et ses enfants ne souffriront jamais