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ces circonstances sont prises en considération, seules la rapacité, la négligence et la paresse sont considérées comme des causes justifiant la rupture d’un contrat. Et puisque la largesse est considérée comme donnant droit à des honneurs et à des éloges, l’indigène moyen fera tout ce qui sera en son pouvoir pour se montrer prodigue, d’autant plus qu’il sait que tout excès de zèle et de générosité mérite une récompense qu’il recevra tôt ou tard.

Nous voyons maintenant qu’une conception étroite et rigide du problème, d’après laquelle la législation serait une simple machine à punir la violation de certaines règles, laisse de côté tous les phénomènes dont nous venons de parler. Dans tous les faits que nous avons décrits, l’élément ou l’aspect « loi », c’est-à-dire la contrainte sociale effective, se présente comme un réseau complexe de dispositions destinées à contraindre les gens à s’acquitter de leurs obligations. De ces dispositions la plus importante est celle qui rattache les unes aux autres un grand nombre de transactions, de façon à en faire une chaîne de services réciproques, c’est-à-dire de services dont chacun doit être rémunéré à un moment donné. Et ce qui contribue encore à rehausser la force de la loi, ce sont, d’une part, les cérémonies plus ou moins publiques qui accompagnent ces transactions et, d’autre part, la grande ambition et la non moins grande vanité du Mélanésien.

VI

Les dispositions législatives dans les actes religieux

Dans les chapitres qui précèdent nous nous sommes occupés principalement des relations économiques, car, chez les sauvages comme chez nous, les lois civiles ont pour principal objet la propriété et la richesse. Mais il serait facile de montrer qu’il n’est pas un domaine de la vie tribale qui ne présente un aspect légal. Prenons, par exemple, les actes les plus caractéristiques de la vie cérémonielle : les rites du deuil et de l’affliction à l’occasion d’une mort. Ce qui, naturellement, nous frappe