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   Ces enfans bien-heureux (creatures parfettes
Sans l’imperfection de leurs bouches muettes)
Ayans Dieu dans le cueur ne le peurent louer :
Mais leur ſang leur en fut vn teſmoin veritable,
Et moy pouuant parler, i’ay parlé miſerable
Pour luy faire vergongne, & le deſaduouer.

   Le peu qu’ils ont veſcu leur fut grand auantage,
Et le trop que ie vy ne me fait que dommage,
Cruelle occaſion du ſoucy qui me nuit :
Quand i’auois de ma foy l’innocence premiere,
Si la nuit de la mort m’euſt priué de lumiere,
Ie n’aurois pas la peur d’vne immortelle nuit.

   Ce fut en ce troupeau, que venant à la guerre
Pour combattre l’Enfer & deffendre la terre,
Le Sauueur inconnu ſa grandeur abbaiſſa :
Par eux il commença la premiere meſlee,
Et furent eux außi, que la rage aueuglee
Du contraire party les premiers offença.

   Qui voudra ſe vanter, auec eux ſe compare,
D’auoir receu la mort par vn glaive barbare,
Et d’eſtre allé ſoymeſme au martyre s’offrir.
L’honneur leur appartient d’auoir ouuert la porte
A quiconque oſera d’vne ame belle & forte,
Pour viure dans le Ciel en la terre mourir.