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FRANÇOIS DE MALHERBE

Le soin qui reste a nos pensées,
Ô bel astre ! c’est que toujours
Nos félicités commencées
Puissent continuer leur cours.
Tout nous rit, et notre navire
À la bonace qu’il désire ;
Mais si quelque injure du Sort
Provoquait l’ire de Neptune,
Quel excès d’heureuse fortune
Nous garantirait de la mort ?

Assez de funestes batailles
Et de carnages inhumains
Ont fait en nos propres entrailles
Rougir nos déloyales mains ;
Donne ordre que sous ton génie
Se termine cette manie,
Et que, las de perpétuer
Une si longue malveillance,
Nous employions notre vaillance
Ailleurs qu’à nous entre-tuer.

La Discorde aux crins de couleuvres,
Peste fatale aux potentats,
Ne finit ses tragiques œuvres
Qu’en la fin même des États.
D’elle naquit la frénésie
De la Grèce contre l’Asie,
Et d’elle prirent le flambeau
Dont ils désolèrent leur terre,
Les deux frères de qui la guerre
Ne cessa point dans le tombeau.

C’est en la paix que toutes choses
Succèdent selon nos désirs ;