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FRANÇOIS DE MALHERBE

Et si la vérité se peut dire sans crime,
C’est avecque plaisir qu’on survit à sa mort.

Mais ce roi, des bons rois l’éternel exemplaire.
Qui de notre salut est l’ange tutélaire,
L’infaillible refuge et l’assuré secours,
Son extrême douceur ayant dompté l’envie,
De quels jours assez longs peut-il borner sa vie,
Que notre affection ne les juge trop courts ?

Nous voyons les esprits nés à la tyrannie,
Ennuyés de couver leur cruelle manie,
Tourner tous leurs conseils à notre affliction ;
Et lisons clairement dedans leur conscience,
Que s’ils tiennent la bride à leur impatience,
Nous n’en sommes tenus qu’à sa protection.

Qu’il vive donc, Seigneur, et qu’il nous fasse vivre !
Que de toutes ces peurs nos âmes il délivre ;
Et rendant l’univers de son heur étonné,
Ajoute chaque jour quelque nouvelle marque
Au nom qu’il s’est acquis du plus rare monarque
Que ta bonté propice ait jamais couronné !

Cependant son dauphin, d’une vitesse prompte,
Des ans de sa jeunesse accomplira le compte ;
Et suivant de l’honneur les aimables appas,
De faits si renommés ourdira son histoire,
Que ceux qui dedans l’ombre éternellement noire
Ignorent le soleil, ne l’ignoreront pas.

Par sa fatale main qui vengera nos pertes,
L’Espagne pleurera ses provinces désertes,
Ses châteaux abattus et ses camps déconfits ;
Et si de nos discords l’infâme vitupère
A pu la dérober aux victoires du père,
Nous la verrons captive aux triomphes du fils.