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NOTICE

Souvenons-nous enfin que Lebrun, avant tout le monde, a deviné, a salué le génie d’André Chénier ! Ce sera justement le frère d’André, Marie-Joseph, qui, le 3 Septembre 1807, prononcera, au nom de l’Institut, un discours sur la tombe du vieux poète. Il y laissera entendre, discrètement, toutes les restrictions qu’il ferait sur l’homme ; mais il y louera justement celui qui, « souvent élevé, quelquefois ambitieux dans son style, cherchant la hardiesse et ne fuyant pas l’audace, célébra tout ce qui donne les hautes pensées : Dieu, la Nature, la Liberté, le Génie et la Victoire ! »



Deux poètes avaient fait mieux que de célébrer la Victoire : vers le même temps, ils y avaient entraîné les cœurs et conduit les pas des jeunes armées de la République. L’un d’eux était précisément Marie-Joseph Chénier, et l’autre, avant lui, Joseph Rouget de Lisle (1760-1836).

Le capitaine Rouget de Lisle, dans la nuit du 25 au 26 Avril 1792, peu de jours après la déclaration de guerre à la Prusse et à l’Autriche, improvisait, paroles et musique, le chant immortel qui, appelé d’abord Chant de Guerre de l’Armée du Rhin devait bientôt prendre son nom de gloire, quand le bataillon des volontaires de Marseille fut entré à Paris en le chantant. Écoutez maintenant une page de Michelet, hymne commentant un hymne :

« Par-dessus l’élan de la guerre, sa fureur, la pensée vraiment sainte de la Révolution fut toujours l’affranchissement du monde. En récompense, il lui fut donné, dans un moment désintéressé et sacré, de trouver le chant qui, répété de bouche en bouche, a gagné toute la terre. Cela est divin et rare, d’ajouter un chant éternel à la voix des nations.

« Il fut trouvé à Strasbourg, à deux pas de l’ennemi, non, comme on l’a dit, dans un repas de famille, ce fut dans une foule émue Les volontaires partaient le lendemain ; on était en avril, au premier moment de la guerre. Plus d’un, dans la joie du banquet, rêvait sous l’impression de vagues pressentiments, comme quand on est assis, au moment de s’embarquer, au bord de la grande mer. Mais les cœurs étaient bien haut, pleins d’élan et de