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NOTICE

promesse d’un emploi lucratif. C’est là que Rousseau mourra, en 1741.

Jusqu’au bout, il avait gardé en France des amis fidèles, qui le tenaient pour un calomnié ; et c’étaient Louis Racine, le père Brumoy, Rollin, Lefranc de Pompignan. Ces nobles cœurs ne pouvaient soupçonner la bassesse d’âme de celui qu’ils prenaient pour un poète. Et ils le croyaient tel, parce qu’il traitait de grands sujets avec cette élévation factice et cette habileté rhétoricienne qui devait tromper plusieurs générations, le maintenir même au rang de premier poète lyrique français jusqu’au jour où les Méditations de Lamartine dissipèrent en une minute cette illusion, en réapprenant la poésie à la France. Aujourd’hui, c’est presque au dernier rang que nous serions tentés de le mettre, tant son œuvre nous paraît vide et glacée. Ne tombons point dans ce déni de justice. Contentons-nous de dire que Rousseau est le type même du simili-poète, comme il y en a eu, pendant les périodes de transition, dans toutes les littératures ; et que celles de ses odes et de ses cantates qui furent autrefois les plus célèbres restent les types mêmes de ce qu’on pourrait appeler les pseudo-chefs-d’œuvre. C’est à ce titre que nous leur donnerons encore l’hospitalité de notre recueil, et parce qu’il faut savoir gré à ce rimeur d’avoir maintenu, faute de mieux, les apparences de la grande poésie, de n’avoir point laissé s’effriter, faute d’usage, les superbes moules de strophes où Victor Hugo coulera un jour du bronze, où il aura versé, en attendant, du plâtre.



Après lui, Jean-Jacques Lefranc, marquis de Pompignan (1709-1784) nous rendra le même office, avec moins de savoir-faire, mais, une fois, avec plus d’inspiration ; le jour où il écrira une Ode sur la mort de J.-B. Rousseau, son maître et son ami. Ce seul jour-là, parce qu’il aura mis son art au service d’une émotion sincère, ce que Rousseau ne fit jamais, il aura été poète.



Pour atteindre la fin du dix-huitième siècle, il faut traverser un véritable désert de stérilité poétique ou plutôt un immense jardin de fleurs artificielles, parmi