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NOTICE

maître de la rime précieuse, de la forte langue et de la haute éloquence, que ses artifices, que ses faiblesses et que ses froideurs. Mais alors, pensera-t-on, Boileau n’aurait pas plus compris Malherbe que Ronsard ? Assurément non, Malherbe étant, comme Ronsard, un poète lyrique.



Boileau, après cet unique « excès, » se trouva si fatigué qu’il n’osa plus jamais évoquer le terrible démon de l’Ode ; mais il eut du moins la consolation de former, avant de mourir, un élève qui devait réaliser complètement son idéal de lyrisme : Jean-Baptiste Rousseau.

Rousseau était né à Paris en 1671. Fils d’un cordonnier qui fit les plus grands sacrifices pour lui donner une éducation brillante, il commença par rougir de ce père et par vouloir changer son nom, de peur que ce témoignage d’une humble origine lui portât préjudice aux yeux des grands seigneurs dont il voulait devenir, plus humblement encore pourtant, le valet. Qu’après cela il ait été capable, ayant échoué au théâtre, de choisir sans vocation, et simplement parce qu’il y avait là une place à prendre, la carrière de poète lyrique ; qu’il se soit consolé d’être obligé d’écrire des odes sacrées en composant des épigrammes obscènes, dont il disait cyniquement qu’elles étaient les « gloria patri » de ses psaumes ; qu’il ait été accusé, avec trop de vraisemblance, d’avoir rimé contre plusieurs de ses confrères des couplets infâmes, et pour cela banni à perpétuité du royaume par un arrêt du Parlement, on ne s’en étonnera point outre mesure. Il avait prévenu l’arrêt en s’exilant volontairement, dès 1712, en Suisse. Accueilli là par notre ambassadeur, le comte de Luc, il le suivit bientôt à Vienne, lorsque lui fut donnée l’ambassade d’Autriche, et il y trouva, dans le prince Eugène, le plus illustre des protecteurs. À tous deux, il dédiera d’abord des odes reconnaissantes ; mais il ne tardera pas à leur préférer, dès la première rencontre, cet étrange aventurier limousin, le comte de Bonneval, qui devait finir pacha à Constantinople. Sans vergogne, il prendra parti pour lui contre le prince Eugène, écrira même des chansons injurieuses sur une femme aimée du prince qui, généreux, se contentera d’éloigner de lui le misérable poète en l’envoyant à Bruxelles, avec la