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NOTICE

la troupe du Marais, tantôt à Mlle Beauchâteau, de l’Hôtel de Bourgogne. Laquelle des deux, à moins que ce ne soit quelque jolie personne de l’entourage des Vitart, a-t-il chantée sous le nom de Parthénice ? N’importe : il l’a fait avec une fraîcheur et une grâce tendres qui annoncent déjà l’incomparable poète de l’amour qu’il sera dans la tragédie. À vingt ans c’est une ode écrite à l’occasion du mariage du roi, La Nymphe de la Seine, qui lui vaut la protection de Chapelain et celle de Colbert. Si le lyrisme est absent de ses premières pièces, il y reparaîtra, dans l’accent, avec Phèdre ; il y sera réintroduit, dans la forme, avec les chœurs d’Esther, et il y triomphera, au centre de l’action même, avec la sublime extase de Joad, au troisième acte d’Athalie (1691). Après une mélodieuse interprétation des Hymnes du Bréviaire romain, Racine chantera enfin son chant du cygne, les Cantiques spirituels, qui semblent avoir donné à Lamartine le ton de ses Méditations religieuses.



Est-il vrai que ce soit en lisant une ode de Malherbe que Jean de La Fontaine se soit senti tout à coup poète ? Je n’en puis rien croire. Bien que, ingénûment, sur la foi de Malherbe, il ait dit du mal de Ronsard, c’est à Ronsard qu’il se rattache, beaucoup plus qu’à son contempteur. Pour la langue, il s’écarte résolument de celui-ci, reprenant chez les poètes de la Pléiade, et plus haut encore, chez Marot, chez Rabelais, chez Bonaventure des Periers, jusque chez les vieux trouvères du moyen-âge, tous les mots dont il a besoin, y joignant les termes de métiers et les expressions les plus savoureuses des patois de France, faisant, en somme, tout juste ce que Malherbe avait interdit. Pour l’inspiration, même contraste, La Fontaine étant, lui, toute imagination, toute sensibilité, toute liberté, tout caprice : à sa Muse, comme à la Vénus de son poème d’Adonis, il ne manque :


Ni le mélange exquis des plus aimables choses,
Ni le charme secret dont l’œil est enchanté,
Ni la grâce, plus belle encor que la beauté.


Et pourtant, ajoute Vénus :