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NOTICE

cabala, hélas ! contre la Phèdre de Racine, par une fidélité mal entendue au vieux Corneille.



Pierre Corneille ! (1606-1684). Ici, nous rentrons dans la région des génies, dont il est le premier en date. Après viendront La Fontaine (1621-1695), Molière (1622-1673), Racine (1639-1699) ; et l’on ne saurait séparer d’eux, si inférieur qu’il leur soit, Nicolas Boileau-Despréaux (1636-1711), l’impérieux théoricien de l’art classique. D’aucun de ces hommes illustres nous n’esquisserons même la biographie, présente à toutes les mémoires ; nous nous contenterons d’indiquer, en peu de mots, à quelles occasions ces poètes du théâtre, de la fable ou de la satire, furent aussi, accessoirement, des poètes lyriques.

Accessoirement ? On ose à peine appliquer ce mot à Corneille, tant son œuvre lyrique est considérable. Ses tragédies eussent-elles disparu que, par ses autres vers, il resterait encore un grand poète. Dans ses œuvres diverses, trop peu lues, on trouverait, non-seulement des galanteries et des fantaisies délicieuses, écrites dès sa jeunesse, mais plusieurs sonnets admirables de sa maturité, des vers superbes adressés au Roi, enfin toute la suite des poèmes inspirés, sur le tard, au cœur sensible du vieux Maître, par la belle comédienne Marquise-Thérèse de Gorla, femme du comédien Du Parc, lorsqu’elle vint, en 1688, jouer à Rouen avec la troupe de Molière. On y passe du madrigal spirituel à l’élégie presque douloureuse ; et le chef-d’œuvre en est, dans sa fière désinvolture, le morceau intitulé Stances à la Marquise, par une confusion volontaire de l’un des noms de l’actrice avec un titre de noblesse auquel elle ne prétendait point.

Mais voici l’œuvre capitale : L’Imitation de Jésus-Christ traduite et paraphrasée en vers français, achevée en 1654, et qui est, à notre avis, l’un des livres essentiels de la poésie française, non pour l’invention des pensées, bien entendu, mais pour la splendide ampleur des rythmes, presque tous innovés par Corneille, et pour l’incomparable pouvoir de cette langue à exprimer, en raccourci, les idées plus subtiles et les plus profondes. Jamais, ni