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NOTICE

Il a « malherbisé » une fois, dans une ode sur la bataille de Lens, où il est médiocre. Partout ailleurs, il est original et il est exquis.



C’est surtout au temps de Julie d’Angennes, que Segrais (1625-1701) hantera l’Hôtel de Rambouillet, au cours des années qu’il passera à Paris comme gentilhomme ordinaire de Mademoiselle de Montpensier, puis comme ami et collaborateur de Madame de La Fayette. Mais, en 1669, ayant pris femme dans son pays natal, à Caen, il s’y fixera, y deviendra premier échevin, y présidera l’Académie du lieu, y élèvera une statue à Malherbe, et y mourra, en bon normand et en vrai sage.


Que Segrais dans l’églogue enchante les forêts !


a dit Boileau. C’est en effet, avant tout, un poète bucolique, encore qu’il ait écrit, « Sur un dégagement, » des stances qui font penser à Alfred de Musset.

Il n’a pas seulement aimé et traduit Virgile, il a une âme naturellement virgilienne. Le petit poème d’Amire pourrait être rencontré, sans qu’il y détonnât, dans les Élégies d’André Chénier. Victor Hugo aimait les vers de Segrais, auxquels il a emprunté deux fois des épigraphes ; et, dans le Groupe des Idylles de la seconde Légende des Siècles, il lui fait dire :


Muse, je chante, et j’ai près de moi Stésichore,
Plante, Horace et Ronsard, d’autres bergers encore.
J’aime ! et je suis Segrais, qu’on nomme aussi Tircis ;
Nous sommes sous un hêtre avec Virgile assis ;
Et cette chanson s’est de ma flûte envolée
Pendant que mes troupeaux paissent dans la vallée,
Et que du haut des cieux l’astre éclaire et conduit
La descente sacrée et sombre de la nuit.


La poésie idyllique, après Segrais, deviendra de plus en plus froide et conventionnelle, et rien n’en restera que, grâce à la joliesse du rythme, l’Allégorie pastorale de Madame Deshoulières (1633-1694), une « précieuse » attardée qui, lorsque l’Hôtel de Rambouillet ferma ses portes, tint à son tour « Bureau d’esprit ! » On y