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ballades. On ne lit plus guère que ses lettres, bien artificielles aussi, mais très supérieures à ses vers. Et si l’on cite encore son sonnet d’Uranie, c’est qu’il déchaîna, dans les salons et les ruelles d’alors, la frivole et fameuse guerre des Uranins et des Jobelins. Les Jobelins étaient ceux qui préféraient le sonnet sur Job, que venait d’écrire Benserade, et que voici :


Job de mille tourments atteint
Vous rendra sa douleur connue ;
Et raisonnablement il craint
Que vous n’en soyez point émue.

Vous verrez sa misère nue ;
Il s’est lui-même ici dépeint :
Accoutumez-vous à la vue
D’un homme qui souffre et se plaint.

Bien qu’il eût d’extrêmes souffrances.
On voit aller des patiences
Plus loin que la sienne n’alla.

Il souffrit des maux incroyables,
Il s’en plaignit, il en parla ;
J’en connais de plus misérables.


Oh ! la médiocre pointe, à propos du plus sublime des livres ! Au moins l’Uranie de Voiture a-t-elle de vraies grâces, encore qu’un peu surannées. Le monde littéraire hésita ; et ce fut une avalanche de dissertations, de parallèles et de gloses dans les deux camps. Corneille, consulté, fit la plus spirituelle des épigrammes, dans cette conclusion à la Normande :


Deux sonnets partagent la Ville,
Deux sonnets partagent la Cour,
Et semblent vouloir tour à tour
Rallumer la guerre civile.

Le plus sot et le plus habile
En mettent leur avis au jour,
Et ce qu’on a pour eux d’amour
À plus d’un échauffe la bile.

Chacun en parle hautement
Suivant son petit jugement.
Et s’il y faut mêler le nôtre,