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XXXV
NOTICE

C’est encore un fils pieux de Ronsard que le parisien Guillaume Colletet (1598-1659). Il avait même, à l’un des rares moments de son existence où l’argent ne lui fit pas faute, acheté, Jans le Faubourg Saint-Marceau, la propre maison du grand poète. Mais bien qu’il tut l’un des « cinq auteurs » protégés par Richelieu, et l’un des premiers académiciens, il vécut fort pauvrement, travaillant tout le jour à « l’utile prose » et rimant le soir pour son plaisir ; toujours joyeux, d’ailleurs, car, comme l’écrivait Chapelain, « il a passé sa vie dans l’innocence, entre Apollon et Bacchus, sans souci du lendemain, parmi les plus fâcheuses affaires. »

Il ne restera peut-être de lui que quelques sonnets excellents ; mais il bâcle, pour vivre, des tragédies, des odes, des traductions, des discours et cent trente biographies de poètes. Comme il a peu de temps à perdre, il aime au plus près, et il épouse trois de ses servantes. La dernière, Claudine, est fort gracieuse et jolie ; mais ce n’est pas assez pour son amoureux époux : il veut que, par surcroît, elle soit considérée comme une femme d’esprit et même comme un poète ; et, lorsqu’il reçoit ses amis, il lui fait lire, au dessert, des vers qu’elle est censée avoir composés le matin. Bien plus, se sentant mourir, il poussera la précaution jusqu’à rimer la pièce où, après sa mort, Claudine déclarera qu’elle renonce, par désespoir, à la poésie :

Pour ne plus rien aimer ni rien louer au monde.
J’ensevelis mon cœur et ma plume avec vous !

Personne d’ailleurs, ne s’y trompa ; et La Fontaine fit cette épigramme :

Les oracles ont cessé,
Colletet est trépassé.
Dès qu’il eut la bouche close,
Sa femme ne dit plus rien :
Elle enterra vers et prose
Avec le pauvre chrétien.



Saint-Amand, Théophile et Colletet ont eu la bonne fortune d’être réhabilités par Théophile Gautier ; mais