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NOTICE

vers faciles » et devient si scrupuleux sur la forme qu’après la publication de son Philandre (1623), encore entaché d’italianisme, il faudra l’instance de son ami Gomberville pour lui arracher, vingt-trois ans plus tard, un nouveau livre, Les Œuvres de Maynard (1646), qui contient tout ce qu’il croit digne de lui-même. À peine y a-t-il introduit, en les corrigeant, quelques-uns des poèmes de sa jeunesse ; le reste est nouveau. Tout y est à lire : aucun poète de ce temps n’atteint une perfection pareille ; la langue est robuste ; les rimes sont pleines ; les images, abondantes, ne sont point plaquées sur la pensée mais font corps avec elle. Pour soutenir tout cela, un esprit plein de verve et de fantaisie, qui lui fera écrire des stances où l’on croit déjà entendre les Chansons des Rues et des Bois de Victor Hugo ; une conscience héroïque et religieuse sonnant comme du Corneille ; enfin ce cœur mélancolique et passionné qui lui dictera l’ode de La Belle Vieille, un surprenant chef-d’œuvre qu’on dirait d’un Lamartine évoquant, au seuil de la vieillesse, le souvenir de ses années d’amour et d’Italie.

Il ne faudrait pas nous pousser beaucoup pour nous faire dire que, si Maynard est un moins puissant rhétoricien que Malherbe, il est plus profondément un poète que lui, par l’imagination, par la sensibilité, par tout ce qui constitue, essentiellement, les dons du poète lyrique. Sans sa longue retraite à Aurillac, où il était Président au Présidial, et dans sa vieille maison de Saint-Séré en Quercy, sans la demi-disgrâce, surtout, où le maintint Richelieu parce qu’il était resté fidèle à des adversaires du tout-puissant ministre, peut-être aurait-il joué, en son temps, un grand rôle dans le monde des lettres, et peut-être Boileau l’eût-il au moins nommé à côté de Racan, qu’il dépasse de cent coudées. Mais ses contemporains ne lui rendirent pas entière justice, non plus que la génération suivante. Le lyrisme, alors, n’était plus guère en honneur ; le théâtre avait pris sa place dans la faveur du public, et la France était toute à Racine après avoir été toute à Corneille. Nous voudrions contribuer ici à rendre à François de Maynard le rang qu’il mérite et que, depuis quelques années, il commence de prendre dans l’histoire de notre poésie.