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xxi
NOTICE

Tout ce qui brille et tout ce qui l’amuse,
Éparpillait les rubis dans ses vers.
Elle mettait son bonnet de travers ;
Les bons rythmeurs, pris d’une frénésie,
Comme des Dieux gaspillaient l’ambroisie,
Si bien qu’enfin, pour mettre le holà
Malherbe vint, et que la Poésie,
En le voyant arriver, s’en alla.


Ce n’est, bien entendu, qu’une spirituelle boutade. Si on la prenait au sérieux, l’injustice de Banville ne serait guère moindre que celle de Boileau. Non, la poésie ne s’en alla point, mais elle changea de caractère ; elle se modela sur l’âme nouvelle du siècle qui commençait, comme elle s’était modelée, au temps de la Pléiade, sur l’âme du siècle qui finissait quand Malherbe écrivait ses premiers vers. La grandeur de Malherbe est d’avoir été, avant tous autres, l’homme représentatif d’un esprit nouveau, non-seulement dans les lettres, mais dans l’état.

Dans l’onde politique, il nous est apparu comme le poète de la stabilité, de l’unité, de l’autorité. Ronsard l’avait été avant lui, mais non dans l’ordre littéraire, en théorie du moins. C’est dans l’ordre littéraire aussi que Malherbe va l’être par ses idées sur la composition, sur la versification et sur la langue.

La composition. Ronsard avait bien montré, dans beaucoup de ses sonnets ou de ses odelettes, qu’il en connaissait les secrets les plus délicats ; mais on doit convenir que le sens de la perfection, de l’équilibre, de la mesure, l’abandonnait dès qu’il entreprenait d’écrire de longs poèmes ou de vastes odes à la Pindare. Alors il est facilement diffus et vagabond : nous sentons qu’il a improvisé sans discipline ; nous le voyons à chaque instant s’écarter de son dessein, se perdre en divagations ou en redites : et, l’œuvre ne nous donnant pas l’impression qu’elle est réalisée, nous comprenons l’oubli qui l’a couverte. Malherbe, lui, entend qu’un morceau lyrique soit composé comme un discours, comme une démonstration, comme un syllogisme. Cette marche raisonnable, démonstrative et logique, cette ordonnance visible, pourrait-on dire, au regard même, sont-ce là les