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NOTICE

rencontre de la femme. Quelques jolies chansons qui sentent les fleurs et où semble passer un peu de grâce tendre, sont écrites, pour être mises en musique, sur de vieux thèmes de ce Ronsard dont il a, toute sa vie, subi l’influence sans vouloir se l’avouer, sans vouloir surtout, l’avouer à personne. Il prétend l’avoir détruit, et bâtir sur des fondations nouvelles : en réalité, c’est sur ses fortes assises, dont il a un peu simplifié le plan et gratté la luxuriante façade, qu’il édifie. Si nous avons trop longtemps cru le contraire, la faute en est à Boileau, lequel nous a trompés, après Malherbe, qu’il avait lui même cru sur parole, en écrivant ces vers aussi erronés, aussi injustes et aussi plats qu’ils sont célèbres :

Enfin Malherbe vint, et, le premier en France,
Fit sentir dans les vers une juste cadence.
D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir
Et réduisit la muse aux règles du devoir.
Par ce sage écrivain la langue réparée
N’offrit plus rien de rude à l’oreille épurée ;
Les stances avec grâce apprirent à tomber
Et le vers sur le vers n’osa plus enjamber.

Il n’y a de vrai, dans tout cela, que le dernier alexandrin, Malherbe ayant en effet, bien à tort du reste, proscrit les enjambements. Mais dire — quand on vient de prononcer le nom de Ronsard, l’auteur de l’Ode a la Rose et de celle sur l’Élection de son Sépulcre, le plus grand inventeur de rythmes de toute la poésie française — dire que Malherbe a, « le premier, » fait sentir la juste cadence des vers et appris aux strophes à tomber avec grâce, c’est une telle énormité qu’elle n’a presque point d’excuse. Il faut se rappeler quel parfait honnête homme était Boileau pour ne point l’accuser ici de mauvaise foi, pour le taxer seulement d’ignorance ou d’une si cruelle infirmité d’oreilles qu’elle aurait dû lui interdire à jamais de parler des poètes lyriques. Et l’on comprend que Théodore de Banville, fils pieux et lointain de Ronsard, ait, sous le titre de : Enfin, Malherbe vint… décoché au « législateur de notre Parnasse » le dizain suivant :

C’est l’orgie au Parnasse : La Muse
Qui par raison se plaît à courir vers