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NOTICE

pleinement justifiées. Mais depuis longtemps les Malherbe avaient quitté l’épée pour la robe lorsque, en 1555, François Malherbe, sieur de Digny, simple conseiller au présidial de Caen, vit venir au monde son premier-né, qu’il nomma François comme lui, et qui devait être le plus illustre rejeton de cette vieille souche normande.

Le sire de Digny professait la religion protestante, non sans fanatisme, car une pièce authentique nous le montre, sept ans après la naissance de son fils, prenant part au pillage de l’abbaye de Troarn où il fut même le commandant de « la bande de voleurs perfides et hérétiques qui, armés de toutes sortes d’armes, entrèrent de force dans l’église, rompirent les autels, images, crucifix, bancs, chaises, et autres meubles, brûlèrent tout dans l’église même, prirent les livres, reliques et argenterie qui étaient considérables et emportèrent le tout. » Son fils dût donc être élevé d’abord dans la foi de son père ; mais comme, après la Saint-Barthélémy, des édits royaux exigèrent de tous les officiers publics un serment de catholicité, le sire de Digny n’hésita pas à se convertir ; et en 1589, nous le voyons siéger à une première place dans l’église Saint-Étienne, à laquelle il fait don : « de quarante sols tournois de rente hypothèque, pour aider à l’entretien de la dite Eglise et afin d’avoir, le dit Malherbe, la demoiselle sa femme, et leurs enfants successeurs, leurs sièges et droits de sépulture à la chapelle Saint-Jacques… »

Nul doute que, dans l’intervalle, le jeune François ne se soit converti comme son père, probablement en 1576, à son retour des universités protestantes de Bâle et de Heidelberg, où il avait été achever ses études, commencées à Caen et poursuivies d’abord à Paris. Au reste, à cet homme d’autorité, une religion d’autorité devait plaire : mais elle ne lui plaira qu’à ce titre, et parce que, étant celle du prince, elle est encore une discipline française ; mais son cœur n’y entre pour rien, et l’on ne trouvera dans son œuvre aucune trace de piété mystique.

Ce qui domine chez lui, dès la jeunesse, c’est une certaine humeur batailleuse, avec des fumées de gloire. On le verra bien quand il prendra la plume. En attendant, cette humeur le détourne de la paisible carrière