Elle m’adore, et dit que ses désirs
Ne vivent que pour mes plaisirs.
Quel jugement y dois-je asseoir ?
Veut-elle me complaire ?
Mon cœur s’en promet à ce soir,
Une preuve plus claire.
Viens donc, ô nuit, que ton obscurité
M’en découvre la vérité !
Sommeil, répands à pleines mains
Tes pavots sur la terre,
Assoupis les yeux des humains
D’un gracieux caterre,
Laissant veiller en tout cet élément
Ma maîtresse et moi seulement…
Ah ! voilà le jour achevé,
Il faut que je m’apprête ;
L’astre de Vénus est levé
Propice a ma requête ;
Si bien qu’il semble, en se montrant si beau,
Me vouloir servir de flambeau…
Les chats, presque enragés d’amour,
Grondent dans les gouttières ;
Les loups-garous, fuyant le jour,
Hurlent aux cimetières ;
Et les enfants, transis d’être tout seuls,
Couvrent leurs têtes de linceuls.
Le clocheteur des trépassés,
Sonnant de rue en rue,
De frayeur rend leurs cœurs glacés,
Bien que leur corps en sue ;
Et mille chiens, oyant sa triste voix,
Lui répondent à longs abois.
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