Page:Malherbe - Chefs d’œuvre lyriques, 1909.djvu/147

Cette page a été validée par deux contributeurs.
MARC-ANTOINE DE SAINT-AMAND


Certes, la nuit a trop duré,
 Déjà les coqs t’appellent ;
Remonte sur ton char doré,
 Que les Heures attellent,
Et viens montrer à tous les yeux
De quel émail tu peins les cieux.

Laisse ronfler ton vieux mari,
 Dessus l’oisive plume,
Et, pour plaire à ton favori,
 Tes plus beaux feux rallume ;
Il t’en conjure à haute voix,
En menant son limier au bois.

Mouille promptement les guérets
 D’une fraîche rosée,
Afin que la soif de Cérès
 En puisse être apaisée,
Et fais qu’on voie, en cent façons,
Pendre tes perles aux buissons.

Ah ! je te vois, douce clarté !
 Sois-tu la bien venue !
Je te vois, céleste beauté,
 Paraître sur la nue,
Et ton étoile en arrivant,
Blanchit les coteaux du levant.

Le silence et le morne roi
 Des visions funèbres
Prennent la fuite devant toi
 Avecque les ténèbres,
Et les hiboux qu’on oit gémir
S’en vont chercher place à dormir.

73