Page:Malherbe - Chefs d’œuvre lyriques, 1909.djvu/145

Cette page a été validée par deux contributeurs.
MARC-ANTOINE DE SAINT-AMAND

Frappent les airs d’étranges tons
Avec leurs trompes enrouées,
Dont l’éclat rend respectueux
Les vents les plus impétueux !

 Tantôt l’onde, brouillant l’arêne,
Murmure et frémit de courroux,
Se roulant dessus les cailloux
Qu’elle apporte et qu’elle rentraîne.
Tantôt, elle étale en ses bords,
Que l’ire de Neptune outrage.
Des gens noyés, des monstres morts,
Des vaisseaux brisés du naufrage,
Des diamants, de l’ambre gris,
Et mille autres choses de prix.

 Tantôt, la plus claire du monde,
Elle semble un miroir flottant,
Et nous représente à l’instant
Encore d’autres cieux sous l’onde ;
Le soleil s’y fait si bien voir,
Y contemplant son beau visage,
Qu’on est quelque temps à savoir,
Si c’est lui-même ou son image ;
Et d’abord il semble à nos yeux,
Qu’il s’est laissé tomber des cieux.

 Bernières, pour qui je me vante
De ne rien faire que de beau,
Reçois ce fantasque tableau
Fait d’une peinture vivante.
Je ne cherche que les déserts
Où, rêvant tout seul, je m’amuse
À des discours assez diserts
De mon génie avec la muse ;

71