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MARC-ANTOINE DE SAINT-AMAND

Fait rire et danser les lutins
Dans ces lieux remplis de ténèbres.
Sous un chevron de bois maudit
Y branle le squelette horrible
D’un pauvre amant qui se pendit
Pour une bergère insensible
Qui, d’un seul regard de pitié,
Ne daigna voir son amitié.

 Aussi le ciel, juge équitable
Qui maintient les lois en vigueur,
Prononça contre sa rigueur
Une sentence épouvantable :
Autour de ces vieux ossements,
Son ombre, aux peines condamnée,
Lamente en longs gémissements
Sa malheureuse destinée,
Ayant, pour croître son effroi,
Toujours son crime devant soi.

 Là se trouvent, sur quelques marbres,
Des devises du temps passé ;
Ici l’âge a presque effacé
Des chiffres taillés sur les arbres ;
Le plancher du lieu le plus haut
Est tombé jusques dans la cave,
Que la limace et le crapaud
Souillent de venin et de bave ;
Le lierre y croit au foyer
À l’ombrage d’un grand noyer.

 Là-dessous s’étend une voûte
Si sombre en un certain endroit,
Que, quand Phébus y descendroit,
Je pense qu’il n’y verrait goutte ;

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