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L’ÉCOLE CLASSIQUE


 Que je trouve doux le ravage
De ces fiers torrents vagabonds,
Qui se précipitent par bonds
Dans ce vallon vert et sauvage !
Puis, glissant sous les arbrisseaux,
Ainsi que des serpents sur l’herbe,
Se changent en plaisants ruisseaux,
Où quelque naïade superbe
Règne comme en son lit natal,
Dessus un trône de cristal !

 Que j’aime ce marais paisible !
Il est tout bordé d’aliziers,
D’aunes, de saules et d’osiers
À qui le fer n’est point nuisible.
Les nymphes, y cherchant le frais,
S’y viennent fournir de quenouilles.
De pipeaux, de joncs et de glais ;
Où l’on voit sauter les grenouilles
Qui de frayeur s’y vont cacher,
Sitôt qu’on veut s’en approcher…

 Que j’aime à voir la décadence
De ces vieux châteaux ruinés,
Contre qui les ans mutinés
Ont déployé leur insolence !
Les sorciers y font leur sabbat ;
Les démons follets s’y retirent,
Qui d’un malicieux ébat
Trompent nos sens et nous martirent ;
Là se nichent en mille trous
Les couleuvres et les hibous.

 L’orfraie, avec ses cris funèbres,
Mortels augures des destins,

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