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MARQUIS DE RACAN


Il soupire en repos l’ennui de sa vieillesse,
Dans ce même foyer où sa tendre jeunesse
A vu dans le berceau ses bras emmaillotés ;
Il tient par les moissons registre des années,
Et voit de temps en temps leurs courses enchaînées
Vieillir avecque lui les bois qu’il a plantés.

Il ne va point fouiller aux terres inconnues,
À la merci des vents et des ondes chenues,
Ce que nature avare a caché de trésors,
Et ne recherche point, pour honorer sa vie,
De plus illustre mort, ni plus digne d’envie,
Que de mourir au lit où ses pères sont morts…

S’il ne possède point ces maisons magnifiques,
Ces tours, ces chapiteaux, ces superbes portiques
Où la magnificence étale ses attraits,
Il jouit des beautés qu’ont les saisons nouvelles,
Il voit de la verdure et des fleurs naturelles,
Qu’en ces riches lambris l’on ne voit qu’en portraits.

Crois-moi, retirons-nous hors de la multitude,
Et vivons désormais loin de la servitude
De ces palais dorés où tout le monde accourt :
Sous un chêne élevé les arbrisseaux s’ennuient,
Et devant le soleil tous les astres s’enfuient,
De peur d’être obligés de lui faire la cour.

Après qu’on a suivi sans aucune assurance
Cette vaine faveur qui nous pait d’espérance,
L’envie en un moment tous nos desseins détruit ;
Ce n’est qu’une fumée ; il n’est rien de si frêle ;
Sa plus belle moisson est sujette à la grêle,
Et souvent elle n’a que des fleurs pour du fruit.

Agréables déserts, séjour de l’innocence,
Où loin des vanités, de la magnificence,