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L’ÉCOLE CLASSIQUE


Depuis que je connais que le siècle est gâté,
Et que le haut mérite est souvent maltraité,
Je ne trouve ma paix que dans la solitude.

Les heures de ma vie y sont toutes à moi.
Qu’il est doux d’être libre, et que la servitude
Est honteuse à celui qui peut être son roi !


JE touche de mon pied le bord de l’autre monde ;
L’âge m’ôte le goût, la force et le sommeil ;
Et l’on verra bientôt naître du sein de l’onde
La première clarté de mon dernier soleil.

Muses, je m’en vais dire au fantôme d’Auguste
Que sa rare bonté n’a plus d’imitateurs ;
Et que l’esprit des grands fait gloire d’être injuste
Aux belles passions de vos adorateurs.

Voulez-vous bien traiter ces fameux solitaires
À qui vos déités découvrent leurs mystères ?
Ne leur promettez plus des biens ni des emplois.

On met votre science au rang des choses vaines ;
Et ceux qui veulent plaire aux favoris des rois
Arrachent vos lauriers et troublent vos fontaines.


DÉSERTS où j’ai vécu dans un calme si doux,
Pins qui d’un si beau vert couvrez mon ermitage,
La cour, depuis un an, me sépare de vous,
Mais elle ne saurait m’arrêter davantage.

La vertu la plus nette y fait des ennemis ;
Les palais y sont pleins d’orgueil et d’ignorance ;
Je suis las d’y souffrir, et honteux d’avoir mis
Dans ma tête chenue une vaine espérance.