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MATHURIN RÉGNIER


Seigneur, dont la bonté nos injures surpasse,
Comme de père à fils, uses-en doucement.
Si j’avais moins failli, moindre serait ta grâce.



CEPENDANT qu’en la croix, plein d’amour infinie.
Dieu pour notre salut tant de maux supporta,
Que par son juste sang notre âme il racheta
Des prisons où la mort la tenait asservie ;

Altéré du désir de nous rendre la vie,
J’ai soif, dit-il aux Juifs. Quelqu’un lors apporta
Du vinaigre et du fiel, et le lui présenta ;
Ce que voyant, sa mère en la sorte s’écrie :

Quoi ! n’est-ce pas assez de donner le trépas
À celui qui nourrit les hommes ici-bas.
Sans frauder son désir d’un si piteux breuvage ?

Venez tirer mon sang de ses rouges canaux.
Ou bien prenez ces pleurs qui noyent mon visage ;
Vous serez moins cruels, et j’aurai moins de maux.


JEAN OGIER DE GOMBAUD


Sonnets


DURANT la belle nuit, dont mon âme ravie
Préférait les clartés à celles d’un beau jour,
J’écoutais murmurer, au milieu de la Cour,
Mille voix de louange et mille autres d’envie.

Je ne sais quelles morts plus douces que la vie,
Faisaient sentir aux cœurs les charmes de l’amour ;
Et de mille beautés qui brûlaient à l’entour,
L’un tenait pour Caliste, et l’autre pour Sylvie.