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MATHURIN RÉGNIER

Qui me don’ra de la vigueur
Pour durer en la pénitence ?

Qu’est-ce de moi ? faible est ma main ;
Mon courage, hélas ! est humain ;
Je ne suis de fer ni de pierre.
En mes maux montre-toi plus doux,
Seigneur ; aux traits de ton courroux,
Je suis plus fragile que verre.

Je ne suis a tes yeux, sinon
Qu’un fétu sans force et sans nom,
Qu’un hibou qui n’ose paraître,
Qu’un fantôme ici-bas errant,
Qu’une orde écume de torrent,
Qui semble fondre avant que naître :

Où toi, tu peux faire trembler
L’univers, et désassembler
Du firmament le riche ouvrage,
Tarir les flots audacieux.
Ou, les élevant jusqu’aux cieux.
Faire de la terre un naufrage.

Le soleil fléchit devant toi ;
De toi les astres prennent loi ;
Tout fait joug dessous ta parole ;
Et cependant tu vas dardant
Dessus moi ton courroux ardent,
Qui ne suis qu’un bourrier qui vole.

Mais quoi ! si je suis imparfait,
Pour me défaire m’as-tu fait ?
Ne sois aux pécheurs si sévère :
Je suis homme, et toi Dieu clément !
Sois donc plus doux au châtiment,
Et punis les tiens comme père.