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L’ÉCOLE CLASSIQUE


Les plaisirs logeaient en mon sein ;
Et lors était tout mon destin
Du jeu d’amour et de la table.

Mais, las ! mon sort est bien tourné,
Mon âge en un rien s’est borné ;
Faible languit mon espérance.
En une nuit, à mon malheur,
De la joie et de la douleur
J’ai bien appris la différence.

La douleur aux traits vénéneux,
Comme d’un habit épineux,
Me ceint d’une horrible torture ;
Mes beaux jours sont changés en nuits,
Et mon cœur, tout flétri d’ennuis,
N’attend plus que la sépulture.

Enivré de cent maux divers,
Je chancelle, et vais de travers,
Tant mon âme en regorge pleine ;
J’en ai l’esprit tout hébété,
Et si peu qui m’en est resté,
Encor me fait-il de la peine.

La mémoire du temps passé,
Que j’ai follement dépensé,
Épand du fiel en mes ulcères ;
Si peu que j’ai de jugement
Semble animer mon sentiment
Me rendant plus vif mes misères.

Ha ! pitoyable souvenir !
Enfin, que dois-je devenir ?
Où se réduira ma constance ?
Étant jà défailli de cœur,