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FRANÇOIS DE MALHERBE


Mais quoi ! tous les pensers dont les âmes bien nées
Excitent leur valeur et flattent leur devoir,
Que sont-ce que regrets, quand le nombre d’années
   Leur ôte le pouvoir ?

Ceux à qui la chaleur ne bout plus dans les veines
En vain dans les combats ont des soins diligents ;
Mars est comme l’Amour : ses travaux et ses peines
   Veulent de jeunes gens.

Je suis vaincu du temps, je cède à ses outrages ;
Mon esprit seulement, exempt de sa rigueur,
A de quoi témoigner en ses derniers ouvrages
   Sa première vigueur.

Les puissantes faveurs dont Parnasse m’honore
Non loin de mon berceau commencèrent leur cours ;
Je les possédai jeune, et les possède encore,
   À la fin de mes jours.

Ce que j’en ai reçu, je veux te le produire ;
Tu verras mon adresse ; et ton front cette fois
Sera ceint de rayons qu’on ne vit jamais luire
   Sur la tête des rois.

Soit que de tes lauriers ma lyre s’entretienne,
Soit que de tes bontés je la fasse parler,
Quel rival assez vain prétendra que la sienne
   Ait de quoi m’égaler ?

Le fameux Amphion, dont la voix nonpareille,
Bâtissant une ville, étonna l’univers,
Quelque bruit qu’il ait eu, n’a point fait de merveille
   Que ne fassent mes vers.

Par eux de tes beaux faits la terre sera pleine ;
Et les peuples du Nil, qui les auront ouïs,
Donneront de l’encens, comme ceux de la Seine,
   Aux autels de Louis.