Et ses pleurs, qui tantost descendoient
mollement,
Ressemblent un torrent qui des hautes montagnes,
Ravageant et noyant les voisines campagnes,
Veut que tout l’univers ne soit qu’un element.
Il y fiche ses yeux, il les baigne, il les baise,
Il se couche dessus, et seroit à son aise
S’il pouvoit avec eux à jamais s’attacher.
Il demeure muet du respect qu’il leur porte ;
Mais en fin la douleur, se rendant la plus forte,
Lui fait encore un coup une plainte arracher.
« Pas adorez de moy, quand par accoustumance
Je n’auroy, comme j’ay, de vous la cognoissance,
Tant de perfections vous découvrent assez ;
Vous avez une odeur des parfums d’Assyrie ;
Les autres ne l’ont pas, et la terre, flétrie,
Est belle seulement où vous estes passez.
« Beaux pas de ces seuls pieds que les astres cognoissent,
Comme ores à mes yeux vos marques apparaissent !
Telle autrefois de vous la merveille me prit,
Quand, déja demy-clos sous la vague profonde,
Vous ayant appelez, vous affermistes l’onde,
Et, m’asseurant les pieds, m’étonnastes l’esprit.
« Mais, ô de tant de biens indigne recompense !
Ô dessus les sablons inutile semence !
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LES LARMES DE SAINCT PIERRE.