Comme il se voit dehors, a si peu de compas
Qu’il demande tout haut que le sort favorable
Luy face rencontrer un amy secourable
Qui, touché de pitié, luy donne le trépas.
En ce piteux estât, il n’a rien de fidelle
Que sa main, qui le guide où l’orage l’appelle :
Ses pieds, comme ses yeux, ont perdu la vigueur ;
Il a de tout conseil son ame dépourveuë,
Et dit, en soupirant, que la nuit de sa veuë
Ne l’empesche pas tant que la nuit de son coeur.
Sa vie, auparavant si chèrement gardée,
Luy semble trop longtemps icy bas retardée ;
C’est elle qui le fasche et le fait consumer :
Il la nomme parjure, il la nomme cruelle,
Et, tousjours se plaignant que sa faute vient d’elle,
Il n’en veut faire conte, et ne la peut aimer.
« Va, laisse-moy, dit-il, va, déloyale vie ;
Si de te retenir autresfois j’eus envie,
Et si j’ay désiré que tu fusses chez moy.
Puis que tu m’as esté si mauvaise compaigne,
Ton infidelle foy maintenant je dédaigne ;
Quitte-moy, je te quitte et ne veux plus de tov.
« Sont-ce tes beaux desseins, mensongère et méchante,
Qu’une seconde fois ta malice m’enchante,
Page:Malherbe - Œuvres poétiques de Malherbe, éd. Blanchemain, 1897.djvu/223
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
202
LES LARMES DE SAINCT PIERRE.