« C'est bien à tout le monde une commune plaie,
Et le malheur que j'ai, chacun l'estime sien ;
Mais en quel autre cœur est la douleur si vraie
Comme elle est dans le mien ?
« Ta fidèle compagne, aspirant à la gloire
Que son affliction ne se puisse imiter,
Seule de cet ennui me débat la victoire,
Et me la fait quitter.
« L'image de ses pleurs, dont la source féconde
Jamais depuis ta mort ses vaisseaux n'a taris,
C'est la Seine en fureur qui déborde son onde
Sur les quais de Paris.
« Nulle heure de beau temps ses orages n'essuie,
Et sa grâce divine endure en ce tourment
Ce qu'endure une fleur que la bise ou la pluie
Bat excessivement.
« Quiconque approche d'elle a part à son martyre,
Et par contagion prend sa triste couleur ;
Car, pour la consoler, que lui saurait-on dire
En si juste douleur ?
« Reviens la voir, grande âme : ôte-lui cette nue
Dont la sombre épaisseur aveugle sa raison !
Et fais du même lieu d'où sa peine est venue
Venir sa guérison.
Page:Malherbe - Œuvres poétiques de Malherbe, éd. Blanchemain, 1897.djvu/176
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