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STANCES.


« On me dit qu’à la fin toute chose se change,
Et qu’avecque le temps les beaux yeux de mon ange
Reviendront m’éclairer ;
Mais, voyant tous les jours ses chaisnes se rétraindre,
Desolé que je suis, que ne dois-je point craindre,
Ou que puis-je esperer ?

« Non, non ; je veux mourir, la raison m’y convie ;
Aussi bien le sujet qui m’en donne l’envie
Ne peut estre plus beau ;
Et le sort, qui détruit tout ce que je consulte,
Me fait voir assez clair que jamais ce tumulte
N’aura paix qu’au tombeau. »

Ainsi le grand Alcandre aux campagnes de Seine
Faisoit, loin de témoins, le recit de sa peine,
Et se fondoit en pleurs.
Le fleuve en fut ému, ses nymphes se cacherent,
Et l’herbe du rivage où ses larmes toucherent
Perdit toutes ses fleurs.