Page:Malherbe - Œuvres poétiques de Malherbe, éd. Blanchemain, 1897.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
STANCES.


« Mais parmy tout cet heur, ô dure destinée,
Que de tragiques soins, comme oiseaux de Phinée,
Sens-je me dévorer !
Et ce que je supporte avecques patience,
Ay-je quelque ennemy, s’il n’est sans conscience.
Qui le vist sans pleurer ?

« La mer a moins de vents qui ses vagues irritent
Que je n’ay de pensers qui tous me solicitent
D’un funeste dessein :
Je ne treuve la paix qu’à me faire la guerre,
Et, si l’enfer est fable au centre de la terre,
Il est vray dans mon sein.

« Depuis que le soleil est dessus l’hemisphere,
Qu’il monte ou qu’il descende, il ne me voit rien faire
Que plaindre et soupirer ;
Des autres actions j’ay perdu la coustume ;
Et ce qui s’offre à moy, s’il n’a de l’amertume,
Je ne puis l’endurer.

« Comme la nuit arrive, et que par le silence,
Qui fait des bruits du jour cesser la violence,
L’esprit est relasché,
Je voy de tous costez, sur la terre et sur l’onde,
Les pavots qu’elle seme assoupir tout le monde,
Et n’en suis point touché.