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chose afin de l’obtenir. Ces suppositions qui se conçoivent distinctement étant faites, la mémoire spirituelle se peut expliquer facilement et clairement. car l’ordre demandant que les esprits qui ont pensé souvent à quelque objet y repensent plus facilement, et en aient une idée plus claire et plus vive que ceux qui y ont peu pensé, la volonté de Dieu qui opère incessamment selon l’ordre représente à leur esprit, dès qu’ils le souhaitent, l’idée claire et vive de cet objet. De sorte que, selon cette explication, la mémoire et les autres habitudes des pures intelligences ne consisterait pas dans une facilité d’opérer qui résultât de certaines modifications de leur être, mais dans un ordre immuable de Dieu, et dans un droit que l’esprit acquiert sur les choses qui lui ont déjà été soumises, et toute la puissance de l’esprit dépendrait immédiatement et uniquement de Dieu seul, la force ou la facilité d’agir que toutes les créatures trouvent dans leurs opérations n’étant en ce sens que la volonté efficace du Créateur. Et je ne crois pas qu’on fût obligé d’abandonner cette explication à cause des mauvaises habitudes des pécheurs et des damnés. Car, encore que Dieu fasse tout ce qu’il y a de réel et de positif dans les actions des pécheurs, il est évident par les choses que j’ai dites dans le premier Eclaircissement que Dieu n’est point auteur du péché.

Cependant je crois, et je pense devoir croire, qu’après l’action de l’âme il reste dans sa substance certains changements qui la disposent réellement à cette même action. Mais, comme je ne les connais pas, je ne puis pas les expliquer, car je n’ai point d’idée claire de mon esprit, dans laquelle je puisse découvrir toutes les modifications dont il est capable (cf. Eclaircissement XI). Je crois par des preuves de théologie, et non point par des preuves claires et évidentes, que la raison pour laquelle les pures intelligences voient plus clairement les objets qu’ils ont déjà considérés, que les autres, n’est pas précisément et uniquement parce que Dieu leur représente